Les Plantes Chinoises



I°) Historique

La découverte des plantes chinoises remonte au légendaire empereur Shen Nong au IVème siècle avant J.C.. Il encouragea le développement de l’agriculture et découvrit les bienfaits des plantes. Depuis, les vertus de ces plantes se transmettent de génération en génération et il est parfois difficile de distinguer le mythe de la vérité.
Vers 500 ans avant J.C. les soins par les plantes chinoises ont connu un nouvel essor grâce à la philosophie et au spiritualisme. A cette époque, on pense que ces plantes participent au « Well Being » : le bien-être du corps et de l’âme. C’est également à ce moment qu’émerge la notion de « Yin » et de « Yang ».
Ce n’est qu’en 206 avant J.C., pendant la dynastie des Han que les premiers régimes basés sur les plantes, ainsi que des pratiques comme le Kung-fu firent leurs apparitions. Cette période correspond aussi à une fascination de l’aristocratie chinoise pour ce mode de vie.
En 1790, les plantes médicinales chinoises font leur apparition en Europe par des botanistes hollandais.
Depuis, de nombreux médicaments contenant des principes actifs issus de plantes chinoises ont été développés et certains ont obtenu leur autorisation de mise sur le marché (AMM) en France.

II°) Implication des plantes chinoises dans la santé

Depuis plusieurs siècles on prête aux plantes chinoises des vertus miraculeuses, des centaines de plantes sont répertoriées et sont utilisées comme de véritables médicaments. Certains problèmes se posent alors :

  • Comment contrôler l’utilisation de ces plantes (doses, fréquence des prises, etc.) ?
  • Y a-t-il vraiment des molécules actives dans ces plantes et si oui peut-on élucider leurs modes d’action ?
  • Enfin, y a-t-il un danger à consommer certaines de ces plantes ?
    De nombreux chercheurs, et en particulier les sociologues, se sont intéressés aux vertus de ces plantes ainsi qu’aux buts recherchés par les « consommateurs » ; sont elles utilisées pour leur effet placebo ou ont-elles les mêmes caractéristiques qu’un médicament ?
    Plusieurs études ont prouvé que les plantes (chinoises ou pas) ont des vertus thérapeutiques incontestables : la morphine tire son principe actif d’une plante (le pavot) et ce n’est pas la seule…
    D’autres plantes sont plus controversées car aucune communauté scientifique reconnue n’a réussie à mettre en relief une quelconque efficacité.
    Toujours dans le domaine social, il semble que les croyances influencent l’utilisation des plantes à l’efficacité non reconnue. Certaines régions du globe et certaines ethnies sont donc plus exposées à la consommation de ces plantes.
    Cette forme d’automédication est d’autant plus dangereuse que les consommateurs considèrent les médicaments chinois comme sécuritaires et dépourvus d’effets indésirables pour la santé parce qu’ils sont "naturels". Ces plantes sont en général utilisées pour accroître les performances athlétiques ou dans le cadre de régimes amaigrissants. C’est justement ce dernier cas que nous traiterons un petit peu plus tard.
    On estime qu’il y a plus de 7000 espèces de plantes médicinales en Chine et plus de 11 000 préparations différentes qui ont été répertoriées au cours des siècles. La plupart des produits qui sont disponibles en vente libre contiennent plus de 10 substances végétales, minérales ou animales, selon un principe très répandu en médecine traditionnelle : “Yi Jun, Er Chen, San Zuo, Si Shi” soit “un maître, deux ministres, trois aides et quatre guides”. Le maître est l’ingrédient actif tandis que les neufs autres produits sont des assistants de différents niveaux d’activité. Bien que l’efficacité de ces préparations soit basée sur la croyance que les ingrédients secondaires amélioreront l’efficacité de la plante principale, on ne considère jamais la possibilité d’incompatibilité entre les différents ingrédients. Selon le même principe, une préparation devrait contenir une herbe non toxique qui peut être utilisée à long terme (le maître) ; une ou deux qui sont peu ou légèrement toxiques qui devraient être utilisées avec modération (les ministres) ; une à trois qui sont toxiques (les aides) et qui ne devraient être utilisées que pour une courte période. Quant aux guides (un à quatre), ils sont utilisés comme véhicules et les raisons qui justifient leur ajout aux préparations sont bien souvent au-delà de toute compréhension scientifique. Par exemple, plusieurs prescriptions incluent l’utilisation d’une à deux cuillerées à thé d’urine d’enfant dont l’ajout renforcerait l’effet de l’herbe principale. Ces informations sont bien sûr à prendre avec précaution mais la répétition de témoignages et d’articles allant dans ce sens tendent à dévoiler des pratiques peu reconnues dans nos sociétés occidentales.

    III°) Les effets

    Nous allons à présent développer les effets que peuvent provoquer certaines plantes chinoises en nous intéressant aussi bien aux effets recherchés qu’aux effets indésirables.

    Les Bienfaits :

    Nous suivrons l’exemple de l’artémisine (ou artémisinine) de laquelle on dit qu’elle pourrait soigner le paludisme ou même plus récemment le cancer…

    C’est en 1972 que le principe actif, l’artémisine a été isolé. Elle est issue de Artemisia annua, ou armoise amère, connu depuis plus de 2000 ans.
    Les armoises sont des plantes souvent aromatiques. Parmi elles, on distingue l'armoise commune ou Artemisia vulagris, l'herbe aux cent goûts, l'absinthe ou Artemisai absinthium, l'estragon ou Artemisai dracunculus, l'armoise champêtre ou Artemisia campestris.

    Selon des études récentes, il semblerait que l’artémisine puisse agir sur les globules rouges infectés par divers parasites, et la réaction produirait des radicaux libres qui attaqueraient la membrane du parasite et finiraient par le tuer.


    Formule développée de l’artémisine


    Selon l’agence de santé publique du Canada les composés d'artémisine sont au moins aussi efficaces que la quinine et la chloroquine pour le traitement des infections paludéennes graves et compliquées. L'administration d’artémisine contribue à réduire le temps de clairance du parasite (moyenne : 32 % plus rapide) et de la fièvre (moyenne : 17 % plus rapide) que tout autre antipaludéen. De plus longues durées de traitement ainsi que l'utilisation combinée de dérivés de l’artémisine et de la méfloquine afin de prévenir les recrudescences ont été examinées. Une synergie in vitro a été observée entre les dérivés de l'artémisine et la méfloquine. Les associations médicamenteuses produisaient des taux de guérison de 100 % pour les infections à P. falciparum primaires et recrudescentes. Cependant, il reste à résoudre certaines questions concernant la cardiotoxicité, la neurotoxicité ainsi que la toxicité à long terme de ce traitement.
    En France l’AMM du RIAMET® (Novartis) a été obtenu le 23 avril 2001. C’est une association d’artéméther (dérivé de l’artémisine) et de luméfantrine. Il est utilisé en tant qu’antipaludique. Le 20 novembre 2002 la commission de transparence s’estime « être dans l’incapacité de donner un avis sur la demande d'inscription sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités et divers services publics ». Bien que le titulaire du brevet ait proposé une stratégie de prix différenciés selon les pays, notamment pour le secteur public des pays en développement, la commission a demandé des études complémentaires.
    Il existe aussi le PALUTHER®, qui était utilisé depuis 1998 en France grâce à des ATU nominatives et en traitement curatifs uniquement.

    Toujours concernant l’artémisine des études réalisées ces derniers mois, permettent de croire que cette molécule pourrait soigner le cancer. Cela a été mis en évidence dans le cancer du sein où il semble que l’artémisine et ses dérivés soient très sélectifs des cellules tumorales. Ses propriétés seraient liées à sa réaction avec les ions fer. Quand elle entre en contact avec ce minéral, la molécule produit des radicaux libres qui tuent la cellule (la réaction est la même qu’avec la parasite paludéen). Or les tumeurs cancéreuses contiennent plus de fer que les cellules normales. Elles sont donc une cible toute désignée pour l’artémisine. Une étude parue dans Journal of Medicinal Chemistry (Gary H. Posner) en 1999 validait déjà le mode d’action et l’interaction avec les ions fer.

    Cependant de nombreux évènements indésirables peuvent avoir lieu. Les origines de ceux-ci peuvent être divers et les conséquences sont souvent très graves.

    La Toxicité :

    L’incidence exacte des intoxications par les médicaments chinois est difficile à évaluer mais les cas rapportés montrent les risques de l’utilisation de ces produits.
    Les cas les plus graves de toxicité rencontrés ces dernières années ont tout d’abord été découverts en Belgique où des jeunes femmes ayant subi une cure d’amaigrissement ont été hospitalisées d’urgence pour une insuffisance rénale définitive. La maladie a pu être attribuée à l’effet néphrotoxique et carcinogène des acides aristolochiques contenus dans les plantes chinoises incriminées (Aristolochia). Une des plantes prescrites, le Stephania tetrandra avait, en fait, été remplacée par une autre plante chinoise, l’Aristolochia fang-chi, contenant des acides aristolochiques néphrotoxiques. Le Stephania tetrandra et le Magnolia officinalis ont été retirés du marché belge à la fin de l’année 1992. Le remplacement du Stephania tetrandra par de l’Aristolochia fang-chi dans les poudres d’herbes chinoises délivrées en Belgique avait immédiatement été suspecté. Il semble que ce soit un problème de traduction qui soit à l’origine de l’affaire : en effet, le Stephania tetrandra (Han Fang-ji) est classé, en médecine traditionnelle chinoise, dans la même famille thérapeutique (les Fang-ji) que l’Aristolochia Fang-chi (Guang Fang-ji) et leurs noms sont très proches.

    Même si le contexte de la cure amaigrissante est responsable de la majorité des incidents survenus après la prise de Aristolochia fang-chi, d’autres plantes et d’autres causes peuvent en être à l’origine. Voici le tableau qui récapitule l’ensemble des cas ayant nécessité une hospitalisation :


    La plupart de ces produits échappent à la vigilance de la Direction Générale de la Protection de la Santé (DGPS), ils n’ont subi aucun contrôle de qualité, d’efficacité ou d’innocuité et ne répondent à aucune norme d’étiquetage. Les conséquences sont graves puisque la majorité des cas ont été caractérisés par une insuffisance rénale chronique évoluant, pour 70 % d’entre eux, vers l’insuffisance rénale terminale nécessitant une dialyse itérative et/ou une transplantation rénale. De plus, Les acides aristolochiques sont connus, expérimentalement, pour leurs effets mutagènes et cancérogènes. L’attention avait été attirée sur la présence d’atypies cellulaires de l’urothélium sur les pièces de néphrectomies réalisées lors de la transplantation rénale chez 4 patientes. Des cas isolés d’urothéliomes ont ensuite été rapportés.

    En conséquence, il est maintenant proposé aux patients atteints de NHC (néphropathie aux herbes chinoises) et traités par dialyse et transplantation de subir une urétéro-néphrectomie bilatérale des reins propres. Ce faisant, l’examen anatomopathologique des pièces opératoires a montré la présence de carcinomes urothéliaux du bassinet et/ou de l’uretère dans 18 cas sur 39 (Belgique).

    CONCLUSION :

    Certains composés issus de plantes ont prouvé leur efficacité sur la santé, d’autres sont utilisées pour leur effet placebo, ils ne provoquent généralement aucun effet indésirable, et d’autres encore présentent un véritable danger pour l’homme. Les plantes chinoises peuvent se trouver dans chacun des trois groupes pré-cités.
    La Food and Drug Administration relève au moins 70 plantes et 14 différents mélanges d’herbes contenant des acides aristolochiques utilisés dans les médecines traditionnelles et responsables de graves effets indésirables. Des cas, plus nombreux encore, sont donc à attendre. Par exemple, l’usage d’Aristolochia en médecine traditionnelle pourrait expliquer la fréquence particulièrement élevée de néphrites interstitielles chroniques dans la population indienne. Sur le plan de la physiologie et de la biologie, les acides aristolochiques ouvrent des voies nouvelles d’exploration expérimentale de la fibrogenèse et de la tumorigenèse dont l’intérêt pour la pathologie humaine est maintenant évident. Enfin, l’identification de complications particulièrement graves (urémies terminales, cancers des voies urinaires) secondaires à des traitements par des plantes médicinales soulève de sérieuses questions en terme de santé publique. Si le mythe de la nature bienfaisante résistera sans doute à ces évidences scientifiques, il n’en reste pas moins que les autorités sanitaires devraient exiger que les remèdes dits « naturels » soient soumis aux mêmes contrôles de qualité, de toxicité et de conformité que les autres médicaments.


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